Joue-la comme Corteiz

Le règne d’un terrain glissant

Credit photo @christophercurrence

Mercredi 12 avril 2023, la marque Corteiz provoquait l'agitation dans la capitale. Elle donnait rendez-vous à République pour un drop sauvage d'une paire d'Air Max 95 "Les bleues". Entre mouvements de foule et tensions, l'évènement a conduit à l'hospitalisation de deux mineurs. Hype et mauvaise orchestration sont venus entacher une partition jusque-là sans fausse note (ou presque). Retour sur le succès d'une marque de terrain

Credit photo @gabrielomoses

En 2018, Clint crée Corteiz. Originaire du Nord-Ouest de Londres, il porte dès le début une vision XXL. "Rules the world" devient la signature de la marque et affirme la volonté de régner sur la culture. Pour régner, Clint rassemble et s'appuie sur la puissance de sa communauté.

God give you an opportunity to make a difference for you n yours, it’d be ungrateful of you not to run it up
— Clint via twitter

La communauté que l'on définit comme étant [un groupe humain dont les membres sont unis par un lien social] est essentielle dans la stratégie adoptée par Clint. S'il n'aime pas la notion de marketing, il cible pourtant celles et ceux qui lui ressemblent. Noir, jeune, et issu d'un environnement modeste, il a à cœur de représenter les siens et d'agir pour et dans leur intérêt. C'est pourquoi, il opte pour une communication de proximité [ensemble des médias permettant de toucher et de créer un lien direct avec une cible de manière hyperciblée]. En véritable homme du peuple, Clint est authentique : son storytelling fait vendre des pièces aux designs basiques. On s’identifie à sa personne et on souhaite appartenir au mouvement.

Rappeurs, footballeurs et créatifs participent également à cet écosystème et la marque prend de plus en plus de place. En 2021, elle collabore avec Freeze Corleone et le 667 pour une collection capsule. De Londres à Paris, Corteiz fait sa loi.

Avec une popularité qui augmente, Corteiz challenge ses méthodes de vente et met en place ce qu'on appelle le "marketing de rareté" dit "scarcity marketing". Il s'appuie sur le fait de [créer la peur de ne pas pouvoir se procurer un produit chez le consommateur]. Le produit se veut rare, c'est-à-dire qu'on va volontairement rendre difficile son achat : en limitant notamment les quantités disponibles.

On crée alors un engouement certain et on laisse la hype faire le reste.

À la sortie de la Bolo Jacket, Corteiz a lancé le "DA GREAT BOLO EXCHANGE ". Le principe est simple, toutes celles et ceux qui souhaitaient se l'offrir devaient l'échanger contre une veste North Face. Les vestes échangées étaient ensuite données à une association qui vient en aide aux sans-abris. Une fois encore, la communauté est centrale.

En janvier 2023, c'est la consécration pour Corteiz qui annonce sa collaboration avec Nike. Après un début de relation compliqué et un procès, les deux marques sont finalement parvenu à trouver un terrain d'entente. Une nouvelle qui a ravi l'ensemble des amoureux du streetwear.

Un succès et une communauté grandissante, mais des méthodes restées inchangées posent les limites de la communication façon Corteiz. Le drop sauvage de Paris a parfaitement exprimé la complexité et la dangerosité de ce type d'évènement. Ici, ce n'est pas simplement le manque d'encadrement qui est remis en cause, c'est tout le processus de réflexion. 500 paires disponibles pour des milliers de personnes dans l'attente, c'est scandaleux. Le jeu de la rareté pour créer de l'intérêt autour de son produit, c'est ok, mais celui de se rapprocher doucement de ce que l'on cherchait à fuir, à savoir la gentrification, ça l'est moins. Non, parce que j'aimerais bien m'acheter une paire sans avoir l'impression que c'est un birkin quoi.Le propre de notre culture, c'est justement le fait qu'elle soit accessible, aussi bien financièrement que physiquement.

Régner sur le monde ne doit jamais se faire au détriment de sa communauté, jamais.

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