Enough is enough

La chute de l’empire ricain

Kanye West, Ye, est une légende de la musique. Son génie et son sens du détail ont fait de lui un producteur, puis un rappeur exceptionnel. Originaire de Chicago, l'artiste, arrive à contre-courant dans une industrie déjà bien ficelée. Dit hautain, prétentieux et arrogant il est maître de sa destinée. Il s'impose et pond les monuments que sont "The College Dropout", " Late Registration" ou encore "Graduation". Après plus de 20 ans de carrière, l'artiste, l'homme, s'essoufflent et les prises de paroles sont de plus en plus problématiques.

Retour sur la chute de l'empire ricain.

À ses débuts Kanye West rappe pour les siens. Les addictions à la drogue (notamment le crack), la précarité, le racisme, les pères absents ou encore les violences policières, tous les maux de la communauté noire sont passés au crible fin dans ses textes.

I say, “Fuck the police, “ that’s how I treat ‘em
We buy our way out of jail, but we can’t buy freedom
We’ll buy a lot of clothes, but we don’t really need ‘em
Things we buy to cover up what’s inside
’Cause they made us hate ourself and love they wealth
That’s why shorty’s hollerin’, “Where the ballers at?”
Drug dealer buy Jordan, crackhead buy crack
And the white man get paid off of all of that
— All falls down, Kanye West

Kanye est pleinement conscient des problèmes sociaux que présente une Amérique encore en proie à ses démons. Il utilise le rap, qui par essence a une visée politique, pour exprimer le fond de sa pensée.

"Un seul être vous manque et tout est dépeuplé", cette expression n'a jamais aussi bien pris son sens que dans la perte tragique de Donda West le 10 novembre 2007. Le monde s'effondre autour de Kanye qui perd son repère. Sa fan de la première heure le laisse seul face à lui- même. Il est contraint de faire son deuil sous les yeux du monde entier. Un traumatisme qui va le poursuivre le restant de sa vie.

Après la mort de sa mère, Kanye West est le seul garant de son équilibre mental. S'il a toujours été rongé par des troubles comportementaux, cet événement a déclenché le mode roue libre. Parmi les premières manifestations, on retrouve l'interruption du speech de Taylor Swift au VMA Awards. On découvre sur nos écrans un personnage plus arrogant que jamais. Très loin de l'image du beatmaker perfectionniste et premier de la classe, prêt à tout pour se faire une place dans l'industrie.

Les années passent et Kanye devient de plus en plus incontrôlable. Il utilise twitter comme un défouloir et affiche son mal être. En 2016, il est interné en hôpital psychiatrique pour gérer sa bipolarité. Un séjour qui ne s'est pas montré efficace, puisqu'en 2020, il annonçait sa candidature à la présidentielle. Son programme s'appuyait sur des valeurs chrétiennes. Pas surprenant pour l'enfant de Dieu qui en 2004 rappait

I ain’t here to argue about his facial features. Or here to convert atheists into believers
I’m just trying to say the way school need teachers
The way Kathie Lee needed Regis that’s the way yall need Jesus
— All falls down, Kanye West

Il s'est ainsi positionné en faveur des lois anti-avortement.

Son positionnement politique converge alors parfaitement avec les républicains et l'Amérique puritaine et conservatrice de Donald Trump. Kanye west déraille, et ça fait peur, très peur. Son discours a changé, on ne reconnaît ni l'homme ni l'artiste.

Pourtant, malgré le soutien qu'il a apporté à Trump durant sa campagne, les marques ne se sont jamais montrées frileuses.

Adidas, GAP, Balenciaga n'ont visiblement pas eu de problèmes à collaborer avec un artiste proche d'un candidat raciste, homophobe, sexiste et misogyne.

Les actions problématiques n'ont jamais cessé d'exister chez Ye. Dernièrement, il se montrait en public avec un t-shirt "White Lives Matter" et confiait que la police n'était pas responsable dans la mort de Georges Floyd. Des prises de parole qui viennent encore creuser le fossé qui existe entre le rappeur et la communauté afro-américaine.

Une manière de dire "on est tous les mêmes, vous et nous c'est pas pareil" (oui, vous avez bien lu, j'ai cité 4keus). Kanye West marque la différence, affirme son statut de célébrité et colle l'étiquette de la "victimisation" sur tous les problèmes sociaux qui concernent les afro-américains. Il n'est définitivement plus des leurs.

Il y a quelques jours, le vase a débordé après la publication d'un tweet antisémite de Ye. Toutes les marques avec lesquelles il travaillait se sont immédiatement désolidarisées et depuis le rappeur est jeté en pâture. Si jusqu'ici, on remettait la faute sur sa bipolarité, cette excuse est arrivée à sa date de péremption : il n'est plus un fou qui divague, il est lucide et doit être condamné. On assiste donc à la fin du spectacle où les hypocrites se donnent rendez-vous pour le bal. Un bal qui aurait du avoir lieu il y a bien longtemps.

Et pour vous, fin stratège ou fou furieux ce Kanye?

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